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Social
Temps de travail
Le trajet entre l'hôtel et le lieu de mission du salarié n'est pas un déplacement entre deux lieux de travail
Selon la Cour de cassation, les temps de trajets effectués par le salarié entre son lieu d’hébergement provisoire (hôtel) et le lieu de sa mission dans le cadre de déplacements prolongés sans retour au domicile ne sont pas forcément du temps de travail effectif. Ils constituent a priori de simples temps de déplacements professionnels, sauf si les critères du temps de travail sont réunis.
Temps de trajet et temps de travail : quelques rappels
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles (c. trav. art. L. 3121-1). Il s’agit, par définition, d’un temps rémunéré.
En revanche, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est, en principe, pas du temps de travail effectif et n'a donc pas à être rémunéré (c. trav. art. L. 3121-4). Le salarié peut simplement prétendre à une contrepartie, en temps ou en argent, dans l’hypothèse où le temps de trajet dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail (typiquement en cas de déplacement pour se rendre chez un client) (c. trav. art. L. 3121-7 et L. 3121-8).
À noter : dans tous les cas, la part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire (c. trav. art. L. 3121-4).
Par exception, le temps de déplacement professionnel (donc, schématiquement domicile-travail) doit être rémunéré comme temps de travail lorsqu’il en présente les caractéristiques du temps de travail effectif : salarié qui quitte son domicile avec son véhicule de service, chargé de pièces de rechange ou de colis à livrer (cass. soc. 3 juin 2020, n° 18-16920 D ; cass. soc. 1er mars 2023, n° 21-12068 FB), temps de trajet d'un salarié itinérant entre son domicile et les sites de ses premier et dernier clients qui répond à la définition du temps de travail effectif (conversations téléphoniques professionnelles au moyen d’un kit mains libres, etc.) (cass. soc. 23 novembre 2022, n° 20-21924 FPBR), etc.
Enfin, le temps de trajet entre deux lieux de travail (ex. : déplacement entre deux agences, d'un client à un autre, etc.) est considéré comme du temps de travail effectif (cass. soc. 5 novembre 2003, n° 01-43109, BC V n° 275 ; cass. soc. 26 mai 2016, n° 14-30098 D).
L’hypothèse sur laquelle la Cour de cassation a dû se pencher dans cet arrêt du 7 juin 2023 a pour particularité de ne rentrer dans aucune de ces cases, du moins à première vue...
Le salarié, client mystère, testait des concessions automobiles et dormait à l’hôtel entre deux visites
Dans cette affaire, le salarié avait été engagé en qualité d'enquêteur mystère par une société du secteur automobile. Dans ce cadre, il visitait les concessions de l’entreprise (apparemment des centres de contrôle technique), manifestement éparpillées sur le territoire.
Il effectuait ainsi des déplacements d’une semaine pendant lesquels il passait d’une concession à l’autre sans rentrer chez lui, sachant qu'il ne visitait qu'une concession par jour. Ses frais d’hôtel étaient pris en charge par l’entreprise.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 26 juin 2017 de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail.
Il demandait notamment le versement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés y afférents, car il considérait que le trajet des hôtels aux concessions et inversement constituait un temps de travail effectif.
La cour d’appel avait suivi son raisonnement et considéré que, en rejoignant son hôtel le soir après avoir visité une concession, pour se rendre le lendemain dans une nouvelle concession, le salarié effectuait en réalité des trajets entre deux lieux de travail successifs, qui, à ce titre, devaient être assimilés à du temps de travail effectif.
L’employeur avait donc été condamné à verser des rappels de salaires ainsi que diverses autres sommes.
Le temps de déplacement concession-hôtel n’est pas un déplacement entre deux lieux de travail
La Cour de cassation casse cet arrêt. Elle reproche à la cour d’appel, qui avait constaté que le salarié visitait uniquement une concession par jour, de n’avoir pas vérifié si les temps de trajet effectués par le salarié pour se rendre à l’hôtel afin d'y dormir, et en repartir, ne constituaient pas de simples déplacements professionnels, non assimilés à du temps de travail effectif.
Et l’on comprend que, du point de vue de la Cour de cassation, les faits semblaient plutôt correspondre à cette interprétation.
À noter : l’avis de l’avocat général auprès de la Cour de cassation soulignait à cet égard que le lieu d’hébergement dans lequel un salarié se repose et peut vaquer librement à des occupations personnelles sans se tenir à la disposition de l’employeur ne constitue pas un lieu de travail. C’était d’ailleurs l’un des arguments de l’employeur : les hôtels où le salarié se rendait pour dormir n’étaient pas des lieux de travail. Partant de là, le temps de trajet pour aller de l’hôtel à la concession et inversement relevait plutôt du déplacement professionnel.
L‘arrêt de la Cour de cassation détaille ensuite : si l’on est en présence d’un temps de déplacement professionnel, il faut dans un deuxième temps vérifier si, malgré tout, le salarié n’est pas tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Car il s’agit alors de travail effectif (c. trav. art. L. 3121-1).
Telle est donc la grille de lecture que devra suivre la cour d’appel de renvoi pour déterminer si les temps de trajet devaient être rémunérés.
Cass. soc. 7 juin 2023, n° 21-22445 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/6480207af17e00d0f8b572a6