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Social
Santé et sécurité
Le juge doit vérifier si l'employeur a respecté son obligation de sécurité même quand le salarié a été imprudent
L’employeur respecte son obligation légale de sécurité quand il prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés. Une éventuelle faute d’imprudence du salarié ne dispense pas le juge de vérifier si ces mesures ont effectivement été prises. Tel est l’enseignement à retenir d’une affaire concernant le responsable d’un programme d’éducation en Haïti, qui avait contracté une amibiase (maladie parasitaire) après avoir bu de l’eau de ville mal filtrée.
Rappels sur les obligations de sécurité de l’employeur et du salarié
L’employeur est tenu, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation légale de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2 ; cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-24444, BC V n° 234).
Si un salarié est exposé à un risque pour sa santé ou sa sécurité, ou lorsqu’un risque se réalise, l’employeur est condamné à lui verser des dommages-intérêts sauf s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures prévues par le code du travail (actions de prévention, etc.).
Le salarié a aussi une obligation de sécurité qui lui impose notamment de prendre soin de sa santé et de sa sécurité. Mais, cette obligation du salarié n'affecte pas le principe de la responsabilité de l'employeur (c. trav. art. L. 4122-1 ; cass. soc. 10 février 2016, n° 14-24350, BC V n° 30).
La Cour de cassation rappelle régulièrement cette règle, comme l’illustre incidemment un arrêt du 15 novembre 2023.
Obligation légale de sécurité de l’employeur vs obligation de sécurité du salarié
En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti par une association. Peu de temps après, il a été placé en arrêt maladie, après avoir contracté une amibiase, puis il été rapatrié.
Licencié pour faute grave, il saisit les juges de plusieurs demandes, en particulier d’une demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à son obligation de sécurité.
Il reproche à son employeur de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l'eau, ce qui avait été à l'origine de la maladie tropicale qu'il avait contractée. Il lui reproche aussi de s'être abstenu de lui porter aide et assistance après qu'il eut contracté cette maladie.
Le salarié a été débouté en appel. La cour d’appel a considéré en effet que le salarié n’a pas prouvé que son employeur lui avait fait boire de l'eau de ville mal filtrée. Les juges d’appel ont aussi retenu que le salarié avait manqué à une obligation de prudence élémentaire en buvant cette eau alors qu’il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille.
Partant de là, ils ont décidé que le salarié ne pouvait imputer aucune faute à l’employeur.
Le salarié porte l’affaire devant la Cour de cassation, laquelle censure la décision de la cour d’appel.
Une éventuelle faute d’imprudence du salarié ne dispense pas de vérifier si l’employeur a manqué ou pas à sa propre obligation de sécurité
Les juges d’appel auraient dû vérifier si l’employeur avait établi ou pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé du salarié. L’éventuel manquement du salarié à une obligation de prudence élémentaire ne les dispensait pas d’effectuer cette vérification.
De plus, les juges d’appel auraient dû répondre à l’argument du salarié selon lequel l'association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu'il avait contracté la maladie tropicale, faute de matériel conforme, l'avait laissé livrer à lui-même malade, et n'avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire.
L’affaire sera tranchée par une autre cour d’appel.
Cass. soc. 15 novembre 2023, n° 22-17733 FB https://www.courdecassation.fr/decision/65546ee7a52b348318098272