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Social
Licenciement
Faute grave : la date des faits reprochés n'est pas obligatoire dans la lettre de licenciement
La Cour de cassation rappelle que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, les motifs qu’elle énonce doivent être précis et matériellement vérifiables. Toutefois, la mention de la date des faits invoqués n’y est pas obligatoire, et ce même en cas de licenciement pour faute grave, soumis à la prescription disciplinaire.
Le motif énoncé dans la lettre de licenciement doit être précis et matériellement vérifiable
La lettre de licenciement fixe les limites du litige relatif au motif de licenciement (c. trav. L. 1235-2, al. 2 ; cass. soc. 22 janvier 1998, n° 95-41496, BC V n° 28 ; cass. soc. 17 septembre 2014, n° 13-17279 D). Cela signifie que l’employeur ne peut pas invoquer, devant le juge, d’autres motifs que ceux figurant dans la lettre.
Le motif invoqué doit être précis et matériellement vérifiable par le juge (c. trav. art. L. 1232-6, cass. soc. 11 octobre 2006 n° 05-44963 D). À défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Cette exigence rend-elle nécessaire d’indiquer dans la lettre de licenciement la date des faits reprochés au salarié ? Non selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (cass. soc. 11 juillet 2012 n° 10-28798 D ; cass. soc. 9 juillet 2014 n° 13-13719 D ; cass. soc. 20 octobre 2015 n° 14-15565 D).
Nouvelle illustration avec un arrêt du 31 janvier 2024 relatif à une lettre de licenciement pour faute grave.
L’affaire : une lettre de licenciement pour faute grave qui ne précisait pas la date des faits fautifs
Dans cette affaire, un employeur avait licencié un salarié pour faute grave le 17 juin 2016.
La lettre de licenciement reprochait au salarié des manquements découverts au mois de mai 2016, à savoir, une opposition et une remise en cause des directives de sa hiérarchie, un comportement inadapté dans ses relations de travail, le non-respect délibéré de la réserve, la loyauté et l'exemplarité inhérentes à son poste. Mais elle ne précisait pas la date des faits reprochés.
Le salarié avait saisi la justice pour contester le bien-fondé de son licenciement.
La cour d’appel a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse du fait du manque de précision de la lettre de licenciement, qui ne mentionnait pas la date des faits reprochés. Elle en déduisait que le licenciement était fondé sur des faits imprécis et susceptibles d'être prescrits.
À tort, puisque la Cour de cassation censure cette analyse.
À noter : l'employeur qui engage une procédure disciplinaire à l’encontre d’un salarié doit respecter un délai de prescription de 2 mois (c. trav. art. L. 1332-4). De plus, s’il s’agit d’un licenciement pour faute grave, l’employeur doit déclencher la procédure disciplinaire dans un « délai restreint » après avoir été informé des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (cass. soc. 6 octobre 2010, n° 09-41294, BC V n° 214 ; cass. soc. 31 mars 2021, n° 19-20984 D).
L’absence de datation des faits reprochés n’importe pas, dès lors que l’employeur peut l’établir devant les juges en cas de litige
La Cour de cassation rappelle que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire.
Elle ajoute qu’en cas de litige, l'employeur est en droit d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.
En l’espèce, la Cour de cassation note que la lettre de licenciement mentionnait des faits découverts en mai 2016, caractérisant de la part du salarié, un dénigrement de la direction de l'établissement, une mise en péril du fonctionnement de l'établissement, une atteinte au climat social et des relations de travail conflictuelles.
Pour la Cour de cassation, la lettre de licenciement énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant la cour d’appel, à laquelle il revenait de vérifier le caractère réel et sérieux du licenciement.
En d’autres termes, la cour d’appel est allée trop vite en besogne. Au lieu de considérer le licenciement infondé, du seul fait de l’absence de datation des faits reprochés dans la lettre de licenciement, elle aurait dû vérifier si elle pouvait déterminer cette date avec les éléments que l’employeur présentait.
L’affaire sera rejugée devant une autre cour d’appel.
La leçon à retenir
L’employeur n’est pas tenu de préciser dans la lettre de licenciement la date des faits invoqués à l’appui du licenciement, y compris en cas de licenciement pour faute grave. Le licenciement ne peut donc pas être invalidé par les juges pour cette raison.
En effet, en cas de litige, l’employeur peut apporter aux juges tout élément de preuve permettant d’établir la datation des faits invoqués.
Néanmoins, en cas de licenciement disciplinaire, il faut rappeler que l’employeur doit respecter un délai de prescription et qu’en cas de litige, les juges vérifient le respect de cette prescription. Dans ce cas, il peut être utile d’indiquer la date des faits fautifs dans la lettre de licenciement, qui pourra constituer un élément de preuve en cas de litige.
Cass. soc. 31 janvier 2024, n° 22-18792 D