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Social
Sanction disciplinaire
Rétrogradation disciplinaire : sans l'accord clair et non équivoque du salarié, l'employeur peut prononcer une autre sanction
La rétrogradation disciplinaire est une sanction qui nécessite l’accord préalable du salarié pour être mise en œuvre. Si le salarié refuse sa rétrogradation, l’employeur peut prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave. On mesure donc tout l’enjeu de savoir si un salarié a accepté ou refusé sa rétrogradation. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023 apporte une illustration avec un salarié qui avait répondu en termes ambigus.
Rappels sur la rétrogradation, cette sanction disciplinaire qui modifie le contrat de travail
La rétrogradation est une sanction disciplinaire consistant dans un déclassement hiérarchique du salarié. Elle entraîne une modification de la qualification professionnelle et de la rémunération, et nécessite donc de solliciter l’accord du salarié. Pour ce faire, l’employeur informe le salarié de sa faculté d’accepter ou de refuser la rétrogradation dans le courrier qui la notifie (cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-70619 FSPB).
L’accord du salarié doit être explicite, clair et non équivoque, comme pour toute autre modification du contrat de travail proposée pour un motif non économique (cass. soc. 31 octobre 2000, n° 98-44988 FSP ; cass. soc. 7 juillet 2009, n° 08-40414 FD).
Si le salarié refuse sa rétrogradation, l’employeur peut prononcer une autre sanction disciplinaire en lieu et place de celle refusée. La sanction de substitution peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave, si bien entendu les faits reprochés au salarié le justifient (cass. soc. 16 juin 1998, n° 95-45033, BC V n° 320 ; cass. soc. 11 février 2009, n° 06-45897 FSPBR). Attention, ce n’est pas le refus du salarié d’être rétrogradé qui motive le licenciement « de substitution » mais les faits qui avaient conduits l’employeur à lui notifier une rétrogradation.
Un contentieux peut surgir quand le salarié répond en termes ambigus à la notification de la rétrogradation, comme dans l’affaire tranchée par la Cour de cassation le 14 juin 2023.
Un salarié qui accepte ses nouvelles fonctions mais pas la sanction disciplinaire
En l’espèce, un salarié d’une société du secteur des accessoires et pièces automobiles s’est vu proposer une rétrogradation disciplinaire, de son poste de directeur des opérations cadre niveau IV à celui de directeur des achats cadre niveau III.
Le salarié a répondu par lettre en rappelant notamment que les difficultés économiques du secteur avaient amené la société à restructurer le métier qu'il chapeautait en scindant son activité en trois directions, dont une direction des achats que la société souhaitait lui confier. Il a aussi indiqué qu’il acceptait les nouvelles fonctions « dans la mesure où (son) investissement (était) absolu » et « compte tenu de la forte pression » qui s’exerçait sur lui, mais qu’il refusait l’aspect disciplinaire de la mesure.
L’employeur a considéré que le salarié avait ainsi refusé sa rétrogradation et a donc prononcé une autre sanction en le licenciant pour faute.
Le salarié a saisi les juges en demandant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse car selon lui, il avait bel et bien accepté la modification de son contrat de travail.
La cour d’appel a donné raison à l’employeur. Pour les juges d’appel, le salarié n’ayant pas exprimé un accord clair et non équivoque à sa rétrogradation, l’employeur a pu considérer qu’il l’avait refusé et le licencier pour faute.
La Cour de cassation confirme la position de la cour d’appel sur ce point.
Le salarié qui répond en termes ambigus à la notification de sa rétrogradation ne l’accepte pas
La Cour de cassation rappelle qu’une modification du contrat de travail ne peut pas être imposée au salarié. L'employeur qui se heurte au refus d'une rétrogradation peut donc prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave aux lieu et place de la sanction refusée.
Or, les termes ambigus de la lettre du salarié ne permettaient pas de caractériser son acceptation claire et non équivoque à la rétrogradation. C’est donc à raison que la cour d’appel a considéré que l’employeur pouvait prononcer une autre sanction, ici le licenciement pour faute.
Encore faut-il que ce licenciement ait une cause réelle et sérieuse. Or, en l’espèce, c’est sur l’appréciation de cette cause réelle et sérieuse que les juges d’appel ont été censurés par la Cour de cassation. L’affaire sera rejugée par une autre cour d’appel.
cass. soc. 14 juin 2023, n° 21-22269 FD