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Rupture conventionnelle
Rupture conventionnelle : pas de consentement libre du salarié lorsqu'il est harcelé moralement
La conclusion d’une rupture conventionnelle individuelle n’est pas interdite dans un contexte conflictuel. Toutefois, lorsqu’au moment de la signature de la convention de rupture, le salarié se trouve dans une situation de violence morale résultant d’un harcèlement moral, son consentement est considéré comme vicié et la rupture est alors nulle.
Consentement libre et mutuel exigé pour conclure une rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle ne peut pas être imposée par l’employeur ou le salarié (c. trav. art. L. 1237-11). Elle doit reposer sur le consentement libre et mutuel de chacun (c. civ. art. 1128, 1130 et 1131). Si le consentement de l’un ou de l’autre est vicié, la rupture conventionnelle est nulle et a alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 16 septembre 2015, n° 14-13830, BC V n° 123).
Le fait qu’il existe un contexte conflictuel au moment de la signature de la convention ne signifie pas en lui-même que le consentement ait été vicié (cass. soc. 26 juin 2013, n° 12-15208, BC V n° 167).
Pour autant qu’en est-il lorsque le salarié subit un harcèlement moral ?
Tel était le contexte particulier de cette affaire.
Contestation par la salariée de la rupture conventionnelle en raison d’un harcèlement moral au moment de sa signature
Une salariée, responsable du service de recrutement et d’accompagnement des ressources humaines, avait conclu une rupture conventionnelle le 5 juin 2014. Plus de 8 mois plus tard, elle a saisi les juges pour demander l’annulation de la rupture conventionnelle et sa requalification en licenciement nul, invoquant avoir été victime de harcèlement moral au moment de sa conclusion.
Les juges du fond ont fait droit à sa demande et annulé la rupture conventionnelle. Ils ont considéré qu’à la date de la signature de la convention, la salariée se trouvait dans une situation de violence morale en raison du harcèlement dont elle était victime, ce qui avait vicié son consentement.
L’employeur a alors décidé de se pourvoir en cassation. Il avançait le fait que la salariée avait signé la convention de rupture sans émettre la moindre réserve et qu’elle avait attendu plus de 8 mois après la conclusion de la convention pour faire part de cette situation de violence morale.
Quand le harcèlement moral empêche de valider le consentement du salarié
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et confirme le jugement de la cour d’appel.
La cour d’appel a légitimement considéré que la salariée, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, subissait de la part de son employeur un harcèlement moral, notamment via des propos déplacés réguliers, voire quotidiens, et de nature discriminatoire, ayant entraîné des troubles psychologiques.
En conséquence, elle a pu en conclure que la convention de rupture avait été signée dans une situation de violence morale et était nulle, la violence étant un vice du consentement (c. civ. art. 1130).
Cette décision reste sans surprise. La proposition d’une rupture conventionnelle permettait en effet à la salariée de mettre fin à une situation insupportable dont les effets pouvaient continuer et s'aggraver si le contrat de travail elle se poursuivait.
Elle se situe d’ailleurs dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation (cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24296 D ; cass. soc. 4 novembre 2021, n° 20-16550 D).
Rupture produisant les effets d’un licenciement nul
Concernant les conséquences indemnitaires d’une annulation d’une rupture conventionnelle conclue dans une situation de violence morale résultant d’un harcèlement, des cours d’appel ont admis qu’elle produise non pas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais les effets d’un licenciement nul (cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24296 D ; cass. soc. 4 novembre 2021, n° 20-16550 D).
Dans cette affaire, la salariée avait également demandé la requalification de la rupture de son contrat en licenciement nul.
Dans d’autres cas, ce sont les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ont été retenus (cass. soc. 30 janvier 2013, n° 11-22332, BC V n° 24).
La Cour de cassation n’a pas encore pris de position sur ce sujet, puisque dans ces affaires elle n’a pas été appelée à trancher cette question. Cela étant, il ressort de ces diverses jurisprudences qu’en cas de rupture conventionnelle annulée pour cause de harcèlement (moral ou sexuel), l’employeur risque d’être condamné à payer des dommages et intérêts pour licenciement nul.
Cass. soc. 1er mars 2023, n° 21-21345 D